La Mañana – 02/11/2003
1. Après sept ans de sa création, comment évaluez-vous le bilan de votre association ?
Il n’est pas d’usage de se faire des compliments à soi-même, mais nous avons tout de même quelques sujets de satisfaction. En effet nous avons été précurseur dans un certain nombre de domaines et nos campagnes ont permis de poser au niveau national des problèmes tels que le civisme, la protection de l’environnement ou celui de la qualité des produits et des services.
Lorsque nous avons débuté en 1996 par une campagne de nettoyage de la plage d’Ain Diab, nous avons été accueilli avec un certain scepticisme. En effet la saleté était considérée comme une fatalité à laquelle on ne pouvait que se résigner. Aujourd’hui la propreté des villes est devenue la préoccupation de tous les responsables et l’une des principales revendications des citoyens.
Il en va de même pour la qualité qui est la condition essentielle de la compétitivité des entreprises et de l’efficacité de l’administration.
Quant au civisme, le terme était alors peu usité. Aujourd’hui tout le monde se plaint de l’incivisme d’autrui et beaucoup ont pris conscience qu’on ne peut développer un pays ni construire une démocratie sans des citoyens conscients et responsables.
Certes toutes les villes du Maroc ne sont pas encore des modèles de propreté et l’incivisme est loin d’être vaincu, mais changer les mentalités et les comportements est un travail ardu et de longue haleine. Pourtant ce n’est pas impossible pourvu que l’on y mette la détermination nécessaire. Si les entreprises réussissent à modifier les habitudes de consommation même des populations analphabètes, il n’y a pas de raison pour que l’Etat ne parvienne pas à faire de même pour ce qui concerne le civisme, la tolérance, la protection de l’environnement, le goût du travail bien fait, bref l’éducation à la citoyenneté. Je voudrais rappeler un chiffre : entre 1995 et 2000, la publicité sociétale sur les deux chaînes de télévision et à la radio a représenté à peine 2,5% du budget contre 97,5% pour la publicité produits.
AFAK vient de faire réaliser une étude d’impact concernant ses campagnes radio qui confirme leur efficacité en dépit de faibles moyens dont nous disposons. 75% considèrent que les messages sont utiles, intéressants et convaincants. Pour certains thèmes, le taux de mémorisation atteint 50%. Mais plus encourageant encore, 66% reconnaissent qu’elles ont eu une influence sur leur comportement.
2. Comment les médias contribuent au développement de vos activités ?
Nos campagnes n’auraient pu atteindre leur ampleur sans la contribution de la presse qui, dès le début a perçu le sens de notre action et lui a accordé un soutien qui ne s’est pas démenti. Par exemple, toutes nos pages annonces ont été publiées gratuitement, qu’il s’agisse de qualité, d’environnement, du travail des enfants ou des élections. Le Maroc peut être fier d’avoir une presse citoyenne.
3. Quel est l’apport de votre association à l’environnement ?
De nombreuses associations se battent pour la protection de l’environnement. Mais les campagnes d’AFAK, de même que les opérations «Plage propre» et «Ville propre», avaient surtout pour but de tirer la sonnette d’alarme, d’éveiller les consciences et d’amener les décideurs, pouvoirs publics et élus, à améliorer la propreté, première étape d’une action de défense de l’environnement. Nous voulions aussi que l’on prenne conscience que tout est lié et qu’il est de notre intérêt de préserver ce capital inestimable. Rappelez-vous notre campagne presse en 1997 «Peut-on faire de la qualité avec des rues sales ?»
Je constate avec plaisir que ce problème est devenu une véritable préoccupation et que des mesures concrètes sont prises dans ce sans. Les plages par exemples, qui sont un atout touristique majeur, se sont transformées grâce à l’action remarquable de la Fondation Mohamed VI pour l’Environnement.
4. L’association reçoit-elle des aides financières ?
Toutes nos actions de terrain et de sensibilisation sont tributaires de deux types de financement. Tout d’abord le sponsoring qui permet à des entreprises de faire de la publicité citoyenne en associant leur nom à des campagnes d’AFAK. C’est grâce à ces entreprises que nous pouvons poursuivre notre programme radiophonique d’éducation à la citoyenneté, des actions d’éducation civique pour les écoles, des aménagements de jardins publics etc. Mais nous bénéficions aussi de quelques subventions provenant d’organismes publics ou privés, nationaux ou étrangers qui nous sont tout aussi indispensables pour mener à bien notre travail.
Mais à ce jour, nous n’avons pas encore réussi à mobiliser les fonds nécessaires pour un programme télévisé de mise à niveau des comportements.
5. Avez-vous un message à passer aux citoyens ?
Notre ambition à tous est de voir notre pays se développer. Or le développement n’est pas l’affaire des seuls gouvernants, c’est aussi celle de chacun d’entre nous. Si nous voulons construire une société moderne, démocratique, tolérante et solidaire, si nous voulons préserver les valeurs auxquelles nous sommes attachés et nous protéger des dérives d’où qu’elles viennent, l’engagement des citoyens est plus que jamais nécessaire ; plus personne aujourd’hui ne peut se contenter du rôle de spectateur ni se cantonner dans la critique stérile.
6. La ville de Casablanca devient de plus en plus une vraie poubelle. Comment, à votre avis, peut-on redonner de la vie à cette ville ?
Il est vrai que l’on est choqué par l’état de saleté de la ville, mais ceci devrait changer très prochainement grâce à la concession de ce service à une entreprise privée. On a longtemps cru qu’il suffisait de disposer d’hommes et de matériel pour assurer la propreté, alors qu’il s’agit en fait d’un problème infiniment plus complexe qui requiert compétence et professionnalisme. La gestion déléguée devrait permettre de résoudre ce problème.
D’autre part, au-delà du nettoyage, de nombreux projets ont été récemment engagés par la Wilaya qui vont améliorer sensiblement l’aspect de la ville et la qualité de la vie à Casablanca. Je citerai pour exemple des opérations de ravalement des façades pour redonner à la ville sa couleur blanche, l’aménagement d’espaces verts, l’amélioration de l’éclairage urbain grâce à une convention avec la LYDEC, l’opération de plantation d’un million d’arbres qui va être lancée prochainement par la Wilaya, les mesures pour améliorer la circulation et les transports en commun. Ceci sans compter les projets que le nouveau Conseil de la Ville ne manquera pas d’initier.
Tous ces efforts conjugués vont certainement redonner à la ville un air plus pimpant.
7. Quels sont vos projets ?
AFAK vient de démarrer, avec le soutien du groupe ALTADIS, une campagne de sensibilisation contre la contrebande. En effet, celle-ci est un véritable fléau qui représente un véritable danger pour la santé publique et pour l’économie du pays,. En effet, les produits de contrebande n’ont subi aucun contrôle, leur origine, leur composition et leur date de péremption sont douteuses et ils n’offrent aucune garantie quant aux normes d’hygiène et de sécurité, qu’il s’agisse de produits alimentaires, de médicaments, de cigarettes ou de pièces détachées. Ils sont présents partout sur le marché et constituent un manque à gagner considérable pour l’économie du pays (15 milliards de DH en 2002, soit 12% des importations du Maroc) avec ce que cela implique comme conséquences négatives pour nos entreprises et nos emplois.
Certes les pouvoirs publics sont mobilisés, mais cela ne saurait suffire sans une prise de conscience des citoyens eux-mêmes et la modification de leur attitude vis-à-vis de ces produits, qui certes peuvent paraître meilleur marché mais peuvent coûter cher à la santé et à la collectivité.
Nous préparons aussi une action de promotion de la tolérance avec le soutien du programme MEPI de l’Ambassade des Etats-Unis.
Enfin, nous allons nous consacrer au renforcement de la démocratie locale, en partenariat avec Vivacasablanca et d’autres partenaires. Il s’agit d’éditer un guide à l’usage des citoyens pour faciliter ses rapports avec les diverses administrations, l’informer de ses droits et lui rappeler ses devoirs. Ce programme va également comporter la conduite d’enquêtes de satisfaction auprès des citoyens au sujet des prestations des communes.
Et bien entendu, nous poursuivons en 2004 notre programme radiophonique d’éducation à la citoyenneté.
Pr A. HAROUCHI
Président de l’association AFAK