Citoyenneté et Développement •
Le développement est la finalité de toute politique. C’est la préoccupation de tous les gouvernants, d’autant qu’il est désormais considéré comme un droit fondamental de la personne humaine.
Mais le développement ne se réduit ni à la croissance ni à la progression des indicateurs économiques ; c’est un processus global, économique, social, politique et culturel qui tend à l’amélioration du bien-être et de la qualité de la vie de l’ensemble de la population et à l’épanouissement de l’individu, sur la base de la participation de tous à l’effort de développement et du partage juste et équitable des bienfaits qui en résultent.
Affronter les défis nationaux et ceux de la compétition internationale nous impose de mettre à niveau notre tissu économique, nos institutions, notre administration, de repenser notre système éducatif. Assurément, un chantier aussi vaste ne peut s’envisager sans la participation de tous à cet effort, sans l’adhésion et l’implication de chacun d’entre nous, bref sans la mobilisation des citoyens pour relever ces défis. Il a cessé d’être l’affaire des seuls gouvernants pour devenir l’affaire de tous.
Etre citoyen, c’est avant tout avoir conscience de ses droits et de ses devoirs et de sa responsabilité à l’égard de la communauté proche et immédiate, mais aussi nationale et internationale. C’est avoir souci du bien commun et le traduire dans les actes et les comportements. C’est avoir conscience que nos gestes les plus quotidiens, nos comportements habituels peuvent soit nuire au développement soit le favoriser, quel que soit le domaine ou le secteur d’activité. Les exemples sont nombreux :
• Quel est l’impact du manque de conscience professionnelle ou du travail bâclé sur la qualité de nos produits et donc la compétitivité de nos entreprises ?
• Quel est l’impact du manque de sérieux sur la qualité de nos services, privés ou publicsi?
• Quellessontlesconséquencesdenotrecomportementàl’égarddestouristes?
• Comment nos rues se sont-elles transformées en dépotoirs dans l’indifférence générale, chacun considérant la rue comme une poubelle et arrêtant la propreté à sa porte ?
• Comment peut-on gaspiller quotidiennement notre capital Eau dans un contexte de sécheresse endémique, sous prétexte parfois qu’il ne s’agit «que» de l’eau du puits ?
• Comment peut-on accepter que soient polluées nos rivières, la mer, nos nappes phréatiques et nos forêts souillées et détruites ? …
• Quel est l’impact de nos pratiques commerciales sur notre image de partenaires ou sur les investissements étrangers ?
• Quelles sont les conséquences des pratiques de corruption, de fraude, de malhonnêtetéi?
• Que coûte le non respect du feu rouge et du code de la route en général, qui traduit notre incapacité à respecter les lois et règlements en dehors de la présence du gendarme ?
Si un individu ne peut se plier à un règlement aussi élémentaire, qu’en sera-t-il des autres lois ? Qu’en sera-t-il de lois non écrites qui relèvent de la seule éthique ? Comment s’étonner alors que nos enfants tendent à considérer que lois et règlements ne sont faits que pour ceux qui ne savent pas les contourner ? Comment dans ces conditions édifier l’Etat de droit ?
Certes, une application stricte et rigoureuse de la loi peut modifier les comportements. On sait bien que sous tous les cieux, les gens sont moins respectueux des lois par vertu que par crainte du gendarme, mais on ne peut fonder un processus de développement sur la contrainte.
Un développement harmonieux et maîtrisé passe par la participation de tous et l’éveil d’une conscience individuelle et collective qui ne se décrète pas, mais qui est le fruit d’une éducation. On ne naît pas citoyen, on apprend à le devenir. Qui se charge de faire de nous des citoyens responsables, non pas spectateurs, mais acteurs du développement ?
• La famille, traditionnellement chargée de transmettre les valeurs fondamentales, joue de moins en moins son rôle ; qu’ils soient riches ou pauvres, mais pour des raisons différentes, ce ne sont plus les parents qui éduquent les enfants.
• L’école a pour mission de former la personne, le travailleur et le citoyen utile pour son pays. Il semble toutefois que le système éducatif ait, pendant longtemps, perdu de vue cette mission pourtant essentielle. Toutefois, il est encourageant de constater que l’éducation civique soit en train de reprendre dans l’enseignement une place qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
• L’appareil de l’Etat, par sa valeur d’exemplarité, se doit plus que tout autre de donner l’exemple du civisme. En effet, comment pouvons-nous prêcher la vertu à nos entrepreneurs quand des administrations ne respectent pas leurs engagements ? Comment inciter le citoyen au respect des règlements quand il a sous les yeux des exemples d’infractions venant de l’appareil même de l’Etat ou des élus qui ne sont pas sanctionnés ?
• Lespartispolitiquesparl’intermédiairedesquelss’exprimel’opiniondescitoyens,ont à charge de diffuser une culture politique, seule à même de permettre au citoyen d’exercer ses droits et devoirs dans la cité. Ils ont un devoir de pédagogie essentiel pour l’édification de la démocratie.
• Les ONG sont sous une autre forme le lieu d’expression et de mise en pratique de la citoyenneté.
AFAK, pour sa part, se propose de contribuer à ce travail d’éducation et d’éveil des consciences et s’est fixé comme objectifs :
– de promouvoir des attitudes citoyennes et des comportements favorables au développement,
- – de combattre les comportements nuisibles au développement,
- – d’aider à réhabiliter les valeurs éthiques et morales.• L’entreprise, formidable moyen d’intégration dans la société, ne peut plus se contenter de produire de la richesse et surtout pas à n’importe quel prix. Elle doit désormais pour assurer sa compétitivité contribuer à la formation de ses employés, au maintien de la cohésion sociale, tout en veillant à préserver l’environnement. Elle peut contribuer au développement en soutenant les actions d’éducation et de sensibilisation de la population ; de même elle peut participer à l’amélioration du cadre de vie.
• Les médias enfin dont le rôle ne se borne pas à l’information des citoyens ou à leur divertissement. Dans un pays comme le nôtre qui compte une forte proportion d’analphabètes, la radio et la télévison pourraient nous faire gagner un temps précieux en matière d’éducation fonctionnelle. Même la publicité, dans ce cadre, a un rôle important à jouer en intégrant dans les messages qu’elle véhicule des valeurs non marchandes. Il est certes difficile d’influer sur le comportement et les mentalités, mais on ne se pose pas la question quand il s’agit de faire adopter une boisson ou une lessive, même par une population analphabète. Il est remarquable de constater que les campagnes institutionnelles concernant des causes d’intérêt national sont extrêmement rares par rapport à celles qui visent à modifier les habitudes de consommation (la publicité sociétale, entre 1996 et 2000, a représenté pour Médi I 3,8% du budget, soit 2 000 000 DH contre 96,2% pour la publicité commerciale, soit 60 000 000 DH ; pour 2M, la publicité société a représenté 2,2%, soit 4 000 000 DH contre 97,8% pour la publicité commerciale, soit 200 000 000 DH)
L’éducation à la citoyenneté n’est pas un rêve d’utopiste, mais une nécessité impérieuse. Elle est indispensable au développement et au maintien d’une société cohérente. Cette entreprise est l’affaire de tous. Elle doit être généralisée et permanente.